LE DERNIER GANG d'Ariel Zeitoun
La bande de Belleville[ 31/10/07 ]
Une reconstitution de la saga du gang des Postiches.
Avec Vincent Elbaz, Gilles
Lellouche, Sami Bouajila,
Clémence Poésy. 2 h 2 min.
Ils avaient du culot, les Postiches. Ils entraient dans la banque, grimés en pilote, rabbin, officier de l'Armée rouge, avec un masque de Georges Marchais, secrétaire général du Parti communiste, ou plus simple, en bourgeois des beaux quartiers (loden, tweed, chapeau). Ils procédaient toujours de la même manière. Une partie de l'équipe retenait en otage le personnel et les clients, les autres forçaient les coffres au pied de biche, à la pince-monseigneur et au marteau. L'opération pouvait durer, elle pouvait se dérouler à quelques centaines de mètres d'un commissariat, les voyous n'avaient pas froid aux yeux. Ils repartaient avec des billets de banque, des bijoux et de l'or. Le gang des Postiches, originaire de Belleville, avec un noyau dur de juifs tunisiens, a braqué une trentaine de banques sous la présidence de François Mitterrand. Du 5 septembre 1981, date de leur premier casse, rue de Crimée à Paris, jusqu'à leur arrestation cinq ans plus tard, en décembre 1986. L'affaire fit grand bruit, elle prit un tour politique. « Le gang des Postiches à la barbe de Defferre » (le ministre de l'Intérieur), titrait « Libération ». « Le coup de génie des Postiches, c'est d'associer deux corps de métier, des braqueurs et des casseurs, pour percer en plein jour les coffres non protégés des particuliers », explique la journaliste Patricia Tourancheau dans le quotidien, puis dans un livre, « Les Postiches, un gang des années 1980 » (Fayard)
« Le Dernier Gang », d'Ariel Zeitoun, raconte leur histoire. Ou plutôt s'en inspire. Car André Bellaïche, le cerveau « présumé », a été reconnu « non coupable » pour les braquages, et condamné à huit ans de prison pour recel et association de malfaiteurs et une évasion en hélicoptère. Cet homme de cinquante-sept ans, qui n'a de cesse de jouer sur l'ambiguïté pour ne pas risquer de croupir au mitard pour un mot malheureux, publie ces jours-ci un témoignage, « Ma vie sans postiche » (Fixot).
Casting irréprochable
Comment devient-on un gang ster ? Ariel Zeitoun s'est posé la question pendant des années, il en a parlé longuement avec Bellaïche, aujourd'hui disquaire au Quartier latin. Et il donne sa réponse dans « Le Dernier Gang », aujourd'hui sur les écrans. Ce film est une reconstitution fidèle du Paris du début des années 1980 - cheveux longs, moustaches, foulard - et de la saga sanglante, car il y a eu des « bavures », d'une bande de copains de Belleville. Cette histoire d'amitié est servie par un casting irréprochable, avec en vedette Vincent Elbaz, à fleur de peau dans le rôle de Simon, le chef de gang ; Sami Bouajila, au contraire, tout en retenue, dans celui de Casa, le « frère de coeur », et un Gilles Lellouche obsessionnel dans le rôle de Milan, le « flic » qui n'a de cesse de faire tomber le gang. « Le Dernier Gang », c'est aussi une belle histoire d'amour, entre un petit malfrat juif et une jeune fille des beaux quartiers. Au total, un « policier » enlevé, à voir pendant le pont embrumé de la Toussaint.
EMMANUEL HECHT ( Les Echos)